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mercredi 9 juillet 2014

[Recherche - actualité] Présentation du fonds Christian Prigent à l'IMEC, par Typhaine Garnier


Abbaye d'Ardenne (Calvados)



 Christian Prigent a confié ses archives à l'Institut mémoires de l’édition contemporaine en 2012. De nouveaux dossiers sont arrivés depuis : « La Vie moderne », « Les Enfances Chino », « Épigrammes » de Martial et « SILO » (essais et entretiens mis en ligne sur le site de POL). En complément des archives personnelles, l’IMEC constitue une bibliothèque d’étude regroupant les livres de Christian Prigent et les travaux universitaires portant sur son œuvre. Ressource extrêmement riche pour l’étude de l’œuvre prigentienne, le fonds offre aussi un matériau historique considérable sur l’activité des réseaux poétiques et artistiques « avant-gardistes » ou « expérimentaux » auxquels Christian Prigent participe depuis les années 1970.


L’archivage en bref : des cartons à l’inventaire

Après la phase de découverte (ouverture des cartons), il s’agit d’établir un « plan de classement » du fonds. À l’IMEC, les archivistes s’efforcent de respecter autant que possible les choix de classement opérés par les auteurs. Ce principe fut ici relativement facile à appliquer, car Christian Prigent a donné des archives ordonnées. Vient ensuite l’étape du reconditionnement : élimination des matériaux fortement dégradables (agrafes, trombones) et remplacement des chemises d’origine par des contenants en matériaux neutres. À chaque sous dossier sont attribués une cote et un code-barres qui permettront la communication des documents aux chercheurs. Ensuite commence le travail de description des archives. On ne décrit bien sûr pas chaque feuillet, mais des ensembles cohérents de documents. Au bout du compte, on obtient un inventaire complet qui doit permettre de se faire une idée assez précise du contenu du fonds.


Analyse du fonds 

Typhaine Garnier
Christian Prigent n’a donné à l’IMEC que les archives de l’écrivain. On trouve donc très peu d’archives familiales (seulement quelques documents « recyclés » dans les livres et les archives rassemblées pour le volume d’entretiens Christian Prigent, quatre temps, paru chez Argol en 2009). On ne trouve pas non plus les archives de l’activité d’enseignement de Christian Prigent. Les plus anciens textes de Christian Prigent présents dans le fonds sont des poèmes de 1963 (année de son entrée en classe d’hypokhâgne à Rennes). Les documents les plus récents datent de quelques mois.

Pour les œuvres littéraires, Christian Prigent a constitué des dossiers particuliers réunissant souvent une grande diversité de documents : notes et brouillons, croquis, documents exploités, correspondance et dossier de presse.
Les travaux sur Francis Ponge forment un dossier important comprenant les brouillons de la thèse La poétique de Francis Ponge (1969-1976), des articles postérieurs et la correspondance échangée avec Francis Ponge sur une vingtaine d’années. L’ensemble concernant l’activité théorique et critique de Christian Prigent réunit en outre un grand nombre d’articles parus depuis le début des années 1970 dans divers journaux et revues.
Les archives « sur la peinture » (désignation inscrite par Christian Prigent sur plusieurs volumineux dossiers) témoignent de l’importance de celle-ci dans l’œuvre de l’écrivain. Elles rassemblent la plupart de ses textes en rapport avec les arts plastiques, mais également des dossiers consacrés à des artistes dont les oeuvres l’ont intéressé, ainsi que des documents sur les expositions dans lesquelles il s’est impliqué.
Un ensemble de carnets et cahiers complète les archives de cette intense production littéraire et théorique.
Christian Prigent, Vanda Benes et Typhaine Garnier
Les interventions publiques de Christian Prigent sont elles aussi richement documentées par les notes préparatoires et les textes de nombreuses conférences, les contrats, les programmes des manifestations, les listes des textes lus, les agendas personnels, ainsi que par de nombreux enregistrements audio et vidéo (les premières lectures enregistrées datent de 1973).
Si le fonds comporte peu de documents sur TXT (les archives de la revue ayant été déposées en 2002 à la Bibliothèque Jacques Doucet), on y trouve en revanche un ensemble important concernant la collection « Muro Torto » fondée à Rome en 1979.
La correspondance comprend des lettres de plus de cent cinquante scripteurs, parmi lesquels figurent des personnalités éminentes, des éditeurs et de nombreux amis écrivains, philosophes et artistes.
Également très fourni, le dossier critique comprend des travaux universitaires portant sur l’œuvre de Christian Prigent ou sur TXT, des documents de préparation des dossiers consacrés à Christian Prigent dans des revues1, ainsi que de nombreux articles de presse.
Répartie dans les différents ensembles, une riche documentation iconographique complète le fonds (photographies d’écrivains et artistes proches, originaux des documents utilisés ou reproduits dans les livres).

Usages des archives

« Je ne me suis bien évidemment pas placé d’emblée dans la perspective d’une conservation de ces paperasses (à des fins « historiques ») », lit-on dans L’Archive e(s(t l’œuvre e(s)t l’archive (IMEC, 2012, p. 13). Les archives données à l’IMEC ne représentent qu’une partie de ce qui a été amassé et écrit par Christian Prigent. 2 Plutôt que le détail de cette genèse, les archives donnent à voir la fabrique prigentienne, le modus operandi habituel par montage et recyclage de documents.3 Déménagements successifs et dégât des eaux ont réduit le volume. Pour les livres écrits depuis l’adoption de l’ordinateur, la plupart des états successifs des textes sont passés à la corbeille informatique. Il en va de même pour les documents utilisés : leur intérêt disparaît généralement une fois qu’ils ont été avalés par l’œuvre. Comme le souligne Christian Prigent, l’importance des lacunes empêche une exploitation strictement génétique des archives qui se proposerait de reconstituer pas à pas la création de tel ou tel livre.

Mais par la diversité des documents donnés à l’IMEC, le fonds n’est pas seulement la mémoire de cette fabrique. Les dossiers de presse constitués très tôt par Christian Prigent et les enregistrements des émissions auxquelles il a participé permettent par exemple d’étudier la réception de ses livres sur plus de quarante ans. À travers les documents relatifs aux diverses interventions  de Christian Prigent, il est possible de suivre la présence publique de l’écrivain depuis la fin des années 1970. On pourra étudier aussi la pratique de la voix grâce aux nombreux enregistrements de travail que l'auteur a lui-même réalisés.

3 juillet 2014 : Yoann Thommerel fait visiter la bibliothèque de l'IMEC à ses invités du colloque de Cerisy, "Christian Prigent : trou(v)er sa langue" (dir. : B. Gorrillot, S. Santi et F. Thumerel)
 

Un échantillon : les archives de Grand-mère Quéquette

        Une exposition d’archives échappe difficilement à la tentation d’esthétisation des « beaux » manuscrits. Entre deux feuillets d’intérêt équivalent, on retient plutôt celui qui a de belles ratures en couleurs. Le choix de montrer les archives d’un seul livre visait à contrer cette tentation.

Depuis sa publication en 2003, Grand-mère Quéquette s’est bien installé dans le paysage littéraire. Situé au milieu du cycle narratif ouvert par Commencement (1989), ce livre a eu et continue d’avoir des échos divers : remarqué dans la presse lors de sa parution en 2003, il a fait l’objet de plusieurs adaptations théâtrales et suscite depuis quelques années l’intérêt des chercheurs. Conséquence de ce rayonnement, les archives de Grand-mère Quéquette sont particulièrement riches : elles rassemblent non seulement des documents montrant diverses étapes de l’écriture, mais aussi des archives « brutes » (images et textes exploités) et de nombreux documents relevant de la réception du livre (lettres, articles de presse, etc.). Elles offrent ainsi un aperçu de la vie du roman, depuis les premières notes pour ce qui s’appelait alors « projet "Cartravers" » jusqu’aux adaptations théâtrales.



Observations
Sur les feuillets de « notes de travail », on voit qu’il y a au départ des textes issus de projets antérieurs (par exemple des « chutes de Commencement »), des documents (le dossier sur l’affaire criminelle constitué par le père de Christian Prigent), un ensemble de motifs, de figures et de sites, des modèles formels4 et des « axes de travail » (« le réel comme crime contre le sens », « le sang noir du réel noie le sens, l’histoire, l’écriture »).
Les plans de Grand-mère Quéquette où l’on reconnaît la structure du roman reprenant la liturgie des Heures montrent le « farcissement » de ce cadre temporel moins par des actions et des péripéties que par des motifs, images et souvenirs littéraires. Les plans de Christian Prigent ne définissent pas d’abord une armature narrative mais listent par chapitre les références littéraires et picturales à intégrer, ainsi que les textes déjà écrits à recycler. On lit par exemple qu’il faudra dans la section I «  Carrache / Tintoret / Poussin », en IV : la « Peste d’Athènes », en VI : le site de « Cartravers (in Commencement) » et le « CRIME = Gadda, Rimbaud, Monet (trou rouge) ». Le plan dessine ainsi un parcours semé de motifs que l’écriture devra traverser, ou plutôt emporter dans son mouvement. Écrire Grand-mère Quéquette, c’est passer de cette liste des motifs au volume foisonnant que l’on connaît.

Comme les autres livres, Grand-mère Quéquette recycle des documents très divers : articles de presse (rubriques des « faits divers » ou de vulgarisation scientifique), notice de médicament, prospectus publicitaires, etc. Cet ensemble de documents glanés au cours de l’écriture du roman montre qu’écrire, pour Christian Prigent, ça n’est pas s’enfermer dans l’accomplissement d’un programme mais au contraire entretenir un état de réceptivité ironique qui permet d’accueillir des matériaux imprévisibles au départ.




1 Java, n° 5 ; Faire part, n° 14/15 ; Il Particolare, n°4/5 et 21/22.
2 « Des étapes du travail sur chaque livre ne reste la plupart du temps d’une part que les premiers cahiers ou carnets […], d’autre part les toutes dernières étapes (sorties d’imprimantes avec corrections marginales), où les éléments montés sont déjà intégrés et homogénéisés par le phrasé d’ensemble. Mais rien qui permette vraiment de suivre pas à pas la fabrication » (L'Archive..., op. cit., p. 12-13).
3 «  […] je suis toujours parti de documents (écrits ou images). Ensuite : extraction des documents de leur contexte [ …] ; insertion dans un autre contexte (le texte en cours) ; articulation à une composition d’ensemble ; et, la plupart du temps, transformation par diverses manipulations rhétoriques, descriptions décalées, commentaires méta-techniques, déplacements homophoniques, etc. À chaque fois dans cet ordre et sous cette forme dynamique : sélection / extraction / insertion / articulation / transformation » (ibidem, p. 18).
4 On lit par exemple : « voir, comme modèle de structure (et articulation carnavalesque des fragments narratifs, poétiques, dialogués…), le Tête de nègre de Maurice Fourré ».

mardi 25 février 2014

[Agenda] Christian Prigent à l'abbaye d'Ardenne

Le 03 juillet 2014 | 15H30- 22H
IMEC, abbaye d'Ardenne, 14280 Saint-Germain la Blanche-Herbe

  
Christian Prigent, 

Bruno Fern, Sylvain Courtoux, Christophe Manon

 

Le cycle "Les grands soirs" est consacré à l'œuvre littéraire contemporaine. Lectures, projections, discussions avec des auteurs et des commentateurs sont au programme de chacune de ces rencontres.

Depuis l’aventure de la revue d’avant garde TXT (1969-1993), l’attention portée par Christian Prigent à ses contemporains, et singulièrement aux poètes qui essaient de trouver leurs langues face au réel, n’a pas faibli. Cette rencontre est une carte blanche, une invitation à écouter trois auteurs qui comptent pour lui, trois auteurs qui savent aussi s’inventer dans ce mode particulier de réalisation du texte : la lecture à haute voix.

Pré-programme de cette manifestation née de la collaboration entre l'IMEC et  les organisateurs du Colloque de Cerisy sur Christian Prigent (Bénédicte Gorrillot, Sylvain Santi et Fabrice Thumerel) :

* 16 H : film de Sol Suffren-Quirno et Rudolf du Stefano, Vies parallèles (90 mn) ;
* 17H45 : présentation de l'IMEC (Institut Mémoires de l'Edition Contemporaine) et du fonds Christian Prigent, par Typhaine Garnier et Yoann Thommerel ;
* 20 H : présentation de l'accrochage Philippe Boutibonnes/Daniel Dezeuze ;
rencontres-lectures avec Bruno Fern, Sylvain Courtoux et Christophe Manon.


Pour plus de renseignement : http://www.imec-archives.com/agenda/prigent-christian-prigent-bruno-fern-sylvain-courtoux-christophe-manon/

Rencontre organisée en partenariat avec le CCI de Cerisy dans le cadre du colloque Christian Prigent : Trou(v)er sa langue

Photo prise par Typhaine Garnier